« Notre monde devient numérique. Nos vies quotidiennes sont de plus en plus connectées. On assiste à une démocratisation de l’accès et de l’utilisation en ligne. Dans ce contexte, il devient de plus en plus important de disposer d’une identité numérique sûre, authentique et vérifiable, avec une approche centrée sur l’utilisateur et une protection totale des données personnelles des citoyens… » – extrait du site Internet de l’Identité numérique de l’UE.
Le Forum économique mondial met en place un système d’identification numérique
Le Forum économique mondial a publié en 2022 la proposition d’un système d’identification numérique de grande envergure qui collectera autant de données que possible sur les individus et utilisera ensuite ces données pour déterminer leur niveau d’accès à divers services. Cette proposition d’identification numérique est présentée dans un rapport intitulé « Advancing Digital Agency : The Power of Data Intermediaries » et s’appuie sur un cadre d’identification numérique que le Forum économique mondial a publié précédemment.
Dans ce cadre, le Forum économique mondial propose de collecter des données sur de nombreux aspects de la « vie quotidienne » des personnes par le biais de leurs appareils, des réseaux de télécommunications et des fournisseurs de services tiers. Le Forum économique mondial suggère que ce système de collecte de données permettrait à une carte d’identité numérique de recueillir des données sur le comportement en ligne des personnes, l’historique des achats, l’utilisation des réseaux, l’historique des crédits, les données biométriques, les noms, les numéros d’identité nationaux, les antécédents médicaux, les voyages, les comptes sociaux, les comptes d’administration en ligne, les comptes bancaires, la consommation d’énergie, les statistiques de santé, l’éducation, etc.
Une fois que l’identifiant numérique aura accès à cet énorme ensemble de données très personnelles, le Forum économique mondial propose de l’utiliser pour décider si les utilisateurs sont autorisés à « posséder et utiliser des appareils », « ouvrir des comptes bancaires », « effectuer des transactions financières en ligne », « effectuer des transactions commerciales », « accéder à des assurances, à des traitements », « réserver des voyages », « passer les contrôles frontaliers entre pays ou régions », « accéder à des services tiers qui s’appuient sur les connexions aux médias sociaux », « déclarer des impôts, voter, percevoir des allocations ».
Une identité numérique pour tous les Européens
En 2014, le règlement relatif à l’identification électronique et aux services de confiance (règlement eIDAS) obligeait les États membres de l’UE à établir des systèmes nationaux d’identification électronique qui respectent certaines normes techniques et de sécurité. Ces régimes nationaux sont ensuite connectés, ce qui permet aux citoyens d’utiliser leur carte d’identité électronique nationale pour accéder à des services en ligne dans d’autres pays de l’UE.
En 2021, la Commission a présenté une proposition s’appuyant sur le cadre eIDAS, visant à permettre à au moins 80 % des citoyens d’utiliser une identité numérique pour accéder aux principaux services publics au-delà des frontières de l’UE d’ici 2030.
Quelles utilisations
Avec les portefeuilles européens d’identité numérique, les citoyens pourront, partout dans l’UE, établir leur identité si cela est nécessaire pour accéder à des services en ligne, partager des documents numériques ou simplement prouver un attribut personnel spécifique, tel que l’âge, sans révéler leur identité complète ou d’autres données personnelles. Les citoyens auront à tout moment le plein contrôle des données qu’ils partagent et des destinataires de ces données.
L’identité numérique de l’UE peut être utilisée dans un grand nombre de cas, par exemple pour :
- utiliser des services publics, comme pour demander un acte de naissance ou un certificat médical ou signaler un changement d’adresse;
- ouvrir un compte bancaire;
- remplir une déclaration fiscale;
- s’inscrire dans une université, dans son pays d’origine ou dans un autre État membre;
- conserver une prescription médicale utilisable partout en Europe;
- prouver son âge;
- louer une voiture au moyen d’un permis de conduire numérique;
- s’enregistrer au début d’un séjour à l’hôtel.
Utilisation de l’identité numérique de l’UE: l’exemple d’une demande de prêt auprès d’une banque
Grâce à l’identité numérique de l’UE, l’utilisateur devra seulement sélectionner les documents nécessaires, conservés localement dans son portefeuille numérique, pour répondre aux demandes de la banque. Des documents numériques vérifiables seront ensuite créés et envoyés de manière sécurisée à la banque, qui les vérifiera et pourra alors poursuivre le processus de demande.
Transposition en France : France Identité numérique
Dans le cadre des travaux de la commission européenne sur l’identité numérique, l’ANTS (Agence nationale des titres sécurisé) pilote un consortium, nommé POTENTIAL, de 148 participants (publics et privés) issus de 19 États membre de l’UE.
Ce service est le prolongement numérique de la carte d’identité. Ce service protège du piratage des données d’identité des citoyens. il s’agit-là d’une description de l’application France Identité. En février 2024, le permis de conduire a été intégré à l’application française.
Depuis son lancement, la sécurité est au cœur du programme France Identité numérique. Plusieurs audits ont été menés sur les applications et le back-end. Un bug bounty privé avait été lancé en juin 2022 laissant apparaître des failles. Pour le programme en matière de sécurité et de transparence, un nouvel audit a été lancé lors d’un bug bounty public le 28 février 2024 de cette application centralisée.
FranceConnect est la solution de l’État pour faciliter la connexion à vos services et démarches en ligne. Sur un site qui dispose du bouton FranceConnect, au lieu de créer un compte et d’avoir à retenir un mot de passe supplémentaire, vous pourrez vous connecter grâce à l’une des six options que FranceConnect propose via un compte qu’un citoyen français possède déjà : le compte impots.gouv.fr, ameli.fr, l’Identité Numérique La Poste, Mutualité sociale agricole msa.fr et Yris application développée par ARIADNEXT, racheté par IDnow.
Transposition en Italie : Smart Citizen Wallet à Rome et à Bologne
Depuis 2022, les municipalités de Rome et de Bologne en Italie mettent par exemple à l’essai des initiatives de crédit social, qui, incitatives et optionnelles, visent à récompenser les comportements jugés « vertueux » en matière de développement durable via l’application “Smart Citizen Wallet”.
À Rome, il « encourage les comportements vertueux mis en place par les usagers de la ville, visant à améliorer la durabilité environnementale, sociale et économique de la ville ». Pour le citoyen « vertueux », des « points » sont « convertis en récompenses (biens et/ou services durables) offerts par la Capitale de Rome et ses partenaires ».
À Bologne, l’initiative également facultative « vise à récompenser ceux qui, par exemple, trient bien les déchets ou utilisent les transports en commun et ne prennent pas d’amendes »
Selon le journal local Corriere di Bologna, qui a décrit le concept comme “similaire à une collection de points de supermarché”
L’identité numérique en Chine
Le système de crédit social chinois est basé sur l’identité numérique pour laquelle des formes d’IA sont utilisées, par exemple le computer vision. La reconnaissance faciale est utilisée pour repérer les piétons dans certaines villes. Le régime chinois a préféré dans un premier temps les incitations à la coercition.
L’idée du crédit social est née en 2007, et les projets ont été annoncés par le gouvernement en 2014 sous la forme d’un système à adhésion facultative. Mais il existe une différence entre le système officiel du gouvernement et les versions privées des entreprises, bien que le système de notation de ces dernières, qui inclut les habitudes d’achat et les amitiés, soit souvent confondu avec le premier.
Droits et devoirs : “Promouvoir des comportements humains vertueux et la confiance”
Le système chinois de crédit social étend cette idée à tous les aspects de la vie, en jugeant le comportement et la fiabilité des citoyens. Si vous êtes pris en flagrant délit d’excès de vitesse, si vous ne payez pas une facture de justice, si vous mettez votre musique trop fort dans le train, vous pouvez perdre certains droits, comme la réservation d’un vol ou d’un billet de train.
Il existe des incitations à la participation et des mesures de dissuasion à la non-participation.
Le crédit social est un moyen technologique de lier le pouvoir politique au développement social et économique qui est discuté dans le pays depuis les années 1980. Il s’agit d’une automatisation de la ligne de masse du président Mao, un terme qui décrit la manière dont les dirigeants du parti façonnent et gèrent la société.
Le crédit social au niveau gouvernemental
L’objectif est que le système gouvernemental s’étende à l’ensemble du pays, que les entreprises reçoivent un “code de crédit social unifié” et les citoyens un numéro d’identité, tous liés à un dossier permanent.
Si un citoyen est inscrit sur la liste des personnes malhonnêtes susceptibles d’être sanctionnées par la Cour populaire suprême, il pourrait être “disqualifié” pour acheter un billet d’avion et se voir interdire de voyager sur certaines lignes ferroviaires, d’acheter des biens immobiliers ou de contracter un prêt.
Le crédit social au niveau local
Une une ville de la province du Shandong, Rongcheng, donne à tous ses habitants 1 000 points pour commencer. Les autorités déduisent les mauvais comportements, comme les infractions au code de la route, et ajoutent des points pour les bons comportements, comme les dons à des œuvres caritatives.
Bien que cela varie d’un programme à l’autre, dans certains projets pilotes locaux, une note positive est synonyme de réductions et d’avantages, tels qu’une simplification de la procédure administrative. Si vous avez une mauvaise note, vous risquez d’avoir des formalités administratives ou des frais supplémentaires.
Il n’existe pas encore de système de crédit social unique. Au lieu de cela, les gouvernements locaux ont leurs propres systèmes d’enregistrement social qui fonctionnent différemment, tandis que des versions privées non officielles sont gérées par des sociétés telles que Zhima Credit de Ant Financial (Sesame Credit). Ant Financial est la société de paiement issue d’Alibaba.
Le crédit social des entreprises privées
Des projets privés, tels que Sesame Credit, recueillent toutes sortes de données sur leurs 400 millions de clients, qu’il s’agisse du temps qu’ils passent à jouer à des jeux vidéo (ce qui est mauvais) ou de savoir s’ils sont parents (ce qui est bon). Ces données peuvent être partagées avec d’autres entreprises.
Les systèmes utilisent les habitudes d’achat, entre autres données, pour établir des scores de type crédit, sur la base d’une adhésion volontaire. Les données collectées par les entreprises privées devraient être récupérées par les pouvoirs publics à l’avenir, et certaines d’entre elles sont déjà utilisées dans le cadre de procès gouvernementaux.
Le crédit social chinois couplé au passeport numérique des produits
La société chinoise connaît des problèmes de confiance, qu’il s’agisse de scandales liés à la qualité des aliments, à la pollution ou au fait que des employés ne paient pas leurs salariés. Le système peut également être utilisé pour faire appliquer des lois vagues telles que la mise en danger de la sécurité ou de l’unité nationales. Cela peut inclure la sécurité alimentaire et la qualité des produits, des problèmes majeurs dans le pays.
Conclusion
Le système de crédit social chinois se développe, mais il n’est qu’un élément de l’État de surveillance du pays. Outre les contrôles stricts du contenu web disponible, par le biais du pare-feu national du pays, les médias sociaux font l’objet d’une surveillance et d’une censure.
Au nom de la confiance et de l’intégrité, les personnes jugées fiables sont récompensées, celles considérées comme indignes de confiance sont punies. Les principes moraux se mêlent aux normes juridiques tandis que le concept flottant de « confiance » prodigue un terrain fertile à l’expression arbitraire du pouvoir.
En décembre 2020, 80% des territoires chinois, soit plus d’un milliard de personnes, sont concernés par des mesures diverses de notation sociale. Cependant, il n’existe pas en novembre 2022 de note sociale pour chaque individu attribuée par un système central.